mercredi 27 février 2019

Les bébés nous amènent où on ne veut pas aller

 Les bébés nous amènent où on ne veut pas aller
Cette phrase, mes deux sages-femmes me l'ont répétée souvent, surtout vers la fin de ma grossesse. Mais dès le début, c'était déjà vrai. Je suis tombée enceinte par accident, moi qui n'ai jamais voulu d'enfant et qui les a même longtemps détestés. J'étais en couple depuis pas très longtemps et c'était un sujet que nous n'avions évidemment pas abordé avant de nous retrouver devant un test de grossesse positif deux jours avant Noël... Disons que c'était très loin de ressembler à un moment de joie et de bonheur comme on le voit dans les films!
J'ai pleuré beaucoup dans les premières semaines de ma grossesse. Même si mon chum m'a toujours dit qu'il voulait (beaucoup) d'enfants, il a paniqué devant le fait accompli. Sans emploi et avec un nouveau diagnostic de trouble de santé mentale, il ne se voyait pas devenir papa. De mon côté, avec plusieurs milliers de dollars de dettes et sans aucun contact avec ma famille, je ne voyais pas comment je pourrais m'en sortir. Mais une chose était certaine, l'avortement n'était pas envisageable pour moi. À chaque fois que j'y pensais, c'était la mort qui me hantait. Pas pour mon bébé. Pour moi.
Le destin a fait que je n'ai pas été capable d'obtenir un rendez-vous avec un médecin au cours de ces premières semaines pour voir un peu plus clair dans tout ça et c'est donc vers le service de sage-femme que je me suis naturellement tournée. Et le destin a fait aussi en sorte qu'à Montréal, toutes les maisons de naissance étaient débordées et que c'est à Granby que j'ai pu obtenir une place en utilisant l'adresse de mes beaux-parents a qui nous avons dû annoncer la nouvelle. Ces derniers (qui trépignaient de joie) ont su rassurer mon chum et moi en nous offrant de nous aider du mieux qu'ils pouvaient si nous faisions le choix de garder le bébé.
Au fil des rendez-vous avec les sages-femmes auxquels mon beau-père nous accompagnait puisque nous n'avions même pas d'auto à l'époque, nous sommes devenus plus à l'aise avec l'idée de devenir parents. Après la deuxième échographie où nous avons découvert que nous attendions une petite fille, j'ai même été surprise de voir mon chum heureux comme je ne l'avais jamais vu en annonçant la nouvelle à sa meilleure amie. Ça m'a rassurée beaucoup!
Ma grossesse s'est somme toute bien passée outre la fatigue accablante dont j'ai été affligée jusqu'au 5e mois environ. Mais disons que tout s'est rattrapé pour l'accouchement... Dès que nous avons pris la décision de poursuivre la grossesse, il était clair pour moi que je voulais un accouchement le plus naturel possible, sans intervention médicale et à la maison. Je n'ai jamais douté de la capacité des femmes à donner la vie et pour moi, l'hôpital est plus menaçante que rassurante. Mon chum était du même avis, je n'ai pas eu à le convaincre là dessus. Je rêve même d'accoucher seule et en pleine nature, loin de tout... pour une deuxième grossesse peut-être! Je lis beaucoup de récits de naissance où il est question d'accouchement orgasmique, de naissance dans l'eau, d'hypnose et autres. Je repousse les craintes de mon entourage vis-à-vis du suivi sage-femme et des naissances naturelles. Mais l'accouchement à la maison est complexe dans mon cas puisque je dois « l'imposer » à mes beaux-parents et même s'ils acceptent ma demande, mon chum et moi choisissons la maison de naissance pour cette fois-ci. Nous la visitons même à deux reprises pour nous assurer de choisir la chambre la plus adéquate pour nous.
La fatidique quarantième semaine de grossesse arrive après un été plus que caniculaire. Je me sens de plus en plus lourde et outre la douleur qui pèse sur mon bassin depuis quelques jours, je ne ressens aucun signe particulier qui me laisserait croire que mon bébé est en route. Je ne suis pas impatiente, je ne m'attends pas à accoucher avant la 41e semaine de toute façon. Ma sage-femme me recommande tout de même de prendre un rendez-vous à l'hôpital pour faire un monitoring à 41 semaines et 3 jours au cas où, mais selon elle, je risque fort probablement d'avoir mon bébé dans les bras avant cela.
La veille du rendez-vous, toujours aucun signe que bébé est en route. Je la sens toujours bien active dans mon ventre et je ne veux pas me présenter à l'hôpital pour me faire faire la morale par les médecins. J'ai aussi peur que l'on m'oblige à y rester, peur qui se dissipe finalement lorsque ma sage-femme me confirme que je peux refuser toute intervention que je ne veux pas subir. Après une nuit sans sommeil, je me rends (en retard) au rendez-vous, pour faire plaisir à mon entourage et faire taire leurs inquiétudes. Les tests me donnent raison : bébé va bien. Je refuse la prise de sang, le toucher du col et j'écoute d'une oreille distante le discours de la médecin sur les risques d'une grossesse après 42 semaines de gestation. Je quitte l'hôpital en colère de devoir subir autant de jugement et pour me changer les idées, mon chum me propose de passer l'après-midi à nous promener sur les petits chemins de campagne. De retour chez mes beaux-parents, je téléphone à ma sage-femme et je me vide le cœur sur ma visite à l'hôpital. Nous convenons de nous voir le lendemain pour discuter de la suite des choses.
Le lendemain, je demande à ma sage-femme de me faire un toucher du col afin de voir si mon corps a commencé à travailler. Elle constate que je ne suis pas dilatée, que mon col est encore relativement ferme et que la tête de mon bébé est encore haute. Ma sage-femme me mentionne que nous devons commencer à travailler plus activement pour signaler à mon bébé qu'il peut maintenant sortir. Teintures-mères, huile d'onagre, exercices : j'ai plusieurs choses à faire pour aider mon corps à se mettre en branle. Je dois aussi travailler sur ma tête et me préparer à accueillir mon bébé de toutes les manières possibles. C'est pour moi le plus difficile et ma sage-femme le sait : c'est aussi par respect pour son travail que je compte tout faire pour qu'elle constate une amélioration lors de ma prochaine visite. Parce que je ne veux surtout pas finir à l'hôpital et que l'on déclenche mon travail de force...
Deux jours plus tard, je ressens pour la première fois, ce que je crois être une contraction. C'est assez fort pour me réveiller pendant la nuit. Le matin, je téléphone donc à ma sage-femme pour lui annoncer la nouvelle et elle accepte de venir m'examiner à la maison au courant de la journée. Pendant la journée, je continue de ressentir de petites contractions, mais c'est tout à fait supportable. Lors de sa visite, ma sage-femme constate que mon col a un peu évolué, mais sans plus. Je suis déçue, mais je continue à faire tout ce qui est possible pour faire travailler mon corps. Le lendemain soir, les contractions s'intensifient. Elles sont maintenant aux 15 minutes. Je tourne en rond dans la maison, je me sens comme une chatte qui cherche son coin pour mettre bas. Ma belle-mère est très stressée et je suis contente de pouvoir « m'enfuir » pour trouver la paix à la maison de naissance. Comme j'ai plus d'une heure de route à faire, j'appelle ma sage-femme qui me donne son accord pour que l'on puisse s'y rendre. Arrivés sur place, elle m'examine rapidement, mais comme il est passé minuit, nous convenons de nous coucher pour reprendre des forces. Je n'arrive pas vraiment à dormir et mon chum non plus. Les contractions sont toujours présentes, mais leur intensité et leur fréquence diminuent drastiquement. Je sens que je ne suis malheureusement pas au bon endroit...
Le matin, les contractions sont disparues. Après un monitoring des mouvements fœtaux, ma sage-femme m'annonce que je dois quitter la maison de naissance étant donné que mon travail n'est pas réellement commencé. C'est un peu ce que je craignais, mais nous convenons d'un arrangement : nous louerons une chambre d'hôtel et ma chambre à la maison de naissance sera réservée pour les prochaines 24 heures. Mon chum et moi trouvons une chambre d'hôtel confortable dans les environs. Nous passons la journée à regarder des films légers et je me sens beaucoup mieux. J'arrive à dormir, à prendre une douche et à manger même si les contractions sont toujours présentes. Le soir, nous passons beaucoup de temps à chercher un téléphone public afin que je puisse tenir ma sage-femme au courant de ma situation (nous n'avons pas de cellulaire). C'est finalement en faisant (un peu) peur à une gérante d'un Jean Coutu qui ne voulait vraiment pas que j'accouche dans son magasin que je réussis à trouver un téléphone pour la joindre. Nous décidons que je suis maintenant prête à tenter un déclenchement naturel de mon travail le lendemain à la maison de naissance.
Je passe toute la journée du lendemain à arpenter les couloirs de la maison de naissance pour essayer d'accueillir mes contractions le plus sereinement possible. Vers l'heure du souper, je suis prise d'une crise de panique et je demande à mon chum de joindre ma deuxième sage-femme puisqu'il y a un changement de garde cette journée-là. Elle arrive quelques minutes plus tard (elle arrivait dans le stationnement au moment de l'appel) et elle me prend aussitôt dans ses bras. Même si nous nous sommes vues qu'une seule fois, elle arrive immédiatement à comprendre dans quel état je me trouve et elle m'apporte le réconfort que j'ai besoin à ce moment -là. Elle constate que mon col à légèrement évolué, mais que je ne suis toujours pas sur le point d'accoucher. Elle m'invite par la suite à m'apaiser dans un bain chaud entouré de chandelles avant que nous amorcions le déclenchement. Lorsque je me suis calmée, elle m'invite à m'installer sur un ballon d'exercice et elle me munit d'un tire-lait électrique. Je dois également prendre en alternance des teintures-mères à plusieurs reprises. Elle inclut tout de suite mon chum dans le processus, lui qui ne savait pas trop où se placer dans les derniers jours. Au bout d'une heure, nous sortons prendre l'air. J'ai de la difficulté à avancer et j'ai très mal au cœur. Je sens encore que je ne suis pas au bon endroit et mon chum est d'accord. Il regrette que nous n'ayons pas trouvé une solution pour faire l'accouchement à domicile, en empruntant par exemple, la maison de son frère qui ne l'occupe pas présentement. Lorsque nous revenons à l'intérieur, je parle de notre discussion avec la sage-femme qui me répond qu'il n'est jamais trop tard pour un accouchement à domicile. Je suis tellement heureuse! Nous convenons donc de quitter la maison de naissance et d'apporter avec nous le matériel nécessaire. Je reprends confiance en moi puisque je vais enfin avoir l'accouchement que je souhaite!
Mais n'oublions pas que les bébés nous amènent où l'on ne veut pas aller...
Je passe les deux jours suivants avec mon chum dans la maison de son frère. Les contractions sont fortes, mais leur rythme n'augmente pas. Je pleure souvent et je commence à être très fatiguée. Mon bassin me fait extrêmement mal, je n'arrive pas à trouver une position confortable, je n'arrive pas à dormir et je crie tellement fort qu'un voisin de la rue appelle la police... Je parle plusieurs fois au téléphone avec ma sage-femme. Elle me rassure et m'écoute pleurer. Elle me dit de tout laisser aller pour faire de la place pour accueillir mon bébé, mais ce n'est vraiment pas facile. Au bout du rouleau, je lui demande de venir crever la poche de mes eaux le lendemain pour provoquer définitivement l'accouchement.
7 septembre 2018 – Le jour où rien ne s'est passé comme prévu...
Le matin, la sage-femme vient nous rejoindre à la maison du frère de mon chum. J'ai eu le temps de déjeuner légèrement et de prendre un bain. Pendant que j'aide la sage-femme à s'installer, mon chum purifie la maison avec de la sauge. Nous sommes tous calmes et prêts à accueillir notre bébé. Je m'installe dans le lit et la sage-femme perce la poche des eaux. Toutefois, le liquide amniotique est verdâtre et le rythme cardiaque de mon bébé augmente et ne veut pas se stabiliser. Elle m'indique qu'il faudra malheureusement se rendre à l'hôpital. Je m'effondre en larmes de devoir dire définitivement adieu à mon rêve d'accouchement à la maison. Pour moi, les hôpitaux sont les pires des endroits pour accueillir les bébés et ce n'est vraiment pas ce que je souhaite pour ma fille... et pourtant.
C'est le trajet le plus long de ma vie. Nous avons un peu plus d'une heure de route pour nous rendre à Sherbrooke (de nouveau) et les contractions sont vraiment douloureuses. De plus, nous devons nous arrêter pour faire le plein en raison de tous les déplacements que nous avons fait dans la dernière semaine... Lorsque nous arrivons à l'hôpital, le stationnement est embourbé par les travaux et mon chum droit crier sur les travailleurs pour que nous puissions arriver à passer (il a pu aller s'excuser plus tard). La sage-femme m'accueille avec une chaise roulante et elle me mentionne que pendant le trajet, elle a pu nous réserver une chambre sans transférer mon dossier à l'hôpital. Si mon bébé va bien, nous pourrons donc continuer de travailler ensemble. Lorsque j'entre dans la chambre, je suis très surprise : une très grande fenêtre avec vue sur les montagnes surplombe la chambre, mon copain a son propre lit et j'ai ma propre toilette ainsi que mon propre bain. Moi qui pensait être obligée de partager ma chambre avec une inconnue, je suis très rassurée. La sage-femme m'examine et je suis maintenant dilatée à 5 centimètres et le rythme cardiaque de mon bébé est revenu à la normale. Ça m'encourage à accueillir les contractions à venir qui sont de plus en plus douloureuses.
Pendant les 5 heures suivantes, je suis dans une sorte de transe de douleur. J'essaie plusieurs positions avec la sage-femme, mais je n'arrive pas à me calmer. Pendant un moment, les débarbouillettes d'eau chaude apposées sur le bas de mon dos m'aident un peu, mais j'ai l'impression que mon bassin va se fendre en deux à chaque contraction. La sage-femme croit que le bébé est mal positionné et que c'est pour cette raison que la dilatation de mon col ne progresse pas. Nous tentons de faire quelques manœuvres avec une écharpe, mais c'est vraiment trop douloureux. Je réclame un bain qui m'apaise un peu et je réalise qu'à ce moment, je suis totalement épuisée. Entre deux pleurs, je demande à la sage-femme d'avoir la péridurale même si au départ, c'est la dernière chose au monde que je souhaitais.
À partir de ce moment, ma chambre se remplie et une dizaine de personnes s'activent autour de moi. J'ai vraiment peur de la suite des choses, mais je ne suis plus capable de supporter la douleur. Je m'accroche au visage d'une infirmière que je vois pour la première fois, mais en qui j'ai immédiatement confiance. Annie a eu le temps de lui glisser à l'oreille que j'ai une peur bleue des aiguilles et l'infirmière ne cesse de me rassurer. En fait, la douleur de mes contractions est tellement intense que je ne sens même pas ces aiguilles. En observant le moniteur qui est maintenant installé sur mon ventre, elle me dit que la force de mes contractions est très élevée et que j'ai raison d'avoir aussi mal. On contacte l'anesthésiste pour l'installation de la péridurale et il arrive très rapidement. J'apprendrai, une fois un peu plus calmée, qu'il avait été tellement surpris par l'intensité de mes cris entendus par le téléphone qu'il avait fait le plus vite possible. La procédure se fait rapidement et je ne sens pratiquement rien, qu'un léger picotement lors de l'entrée de l'aiguille. La douleur des contractions disparaît complètement et laisse place à un intense sentiment de bien-être. Je suis maintenant très calme et je fais des blagues avec l'anesthésiste et le reste du personnel. Comme mon bébé demeure stable, on me dit que je vais pouvoir prendre du temps pour me reposer, ce que je n'ai pas fait depuis plusieurs jours.
La gynécologue vient m'examiner. En regardant le moniteur, elle me dit qu'elle ne comprend pas comment j'ai pu endurer autant de douleur aussi longtemps, ce qui me rassure dans un certain sens. Avec une de ses étudiantes, elle constate alors qu'une malformation de mon bassin empêche la dilatation de mon col, qui n'est d'ailleurs pas plus dilaté qu'au début de mon travail actif. Elle me dit que nous pouvons attendre encore de voir ce qui va se passer, mais selon elle, il n'y a pas beaucoup de chances que mon bébé naisse naturellement. Pour la première fois dans l'aventure de ma grossesse, je ne sens aucun jugement de la part d'un médecin sur le travail des sages-femmes. Je sens aussi beaucoup de respect dans sa voix lorsqu'elle s'adresse à ma sage-femme et je lui fais donc confiance. Elle sait que la césarienne est vraiment pour moi le pire des scénarios, mais je dois me rendre à l'évidence que je fais partie de ce pourcentage de femmes pour qui la césarienne est la seule option. Je donne donc mon accord pour que l'on fasse l'opération le plus rapidement possible pour ne pas jouer inutilement avec la vie de mon bébé.
Avant d'entrer dans la salle d'opération, on me confirme que ma sage-femme pourra être à mes côtés pendant toute la procédure. Ça me rassure beaucoup. Dans la salle, je reconnais l'inhalothérapeute qui s'occupera de moi au travers de son masque puisque nous avons travaillé ensemble il y a une dizaine d'années environ. J'en reviens tout simplement pas! Tout est mis en place pour que je sois en totale confiance avec mon copain qui me tient la main droite et ma sage-femme la gauche. La salle d'opération est bondée, mais la gynécologue me dit de ne pas m'inquiéter. C'est que tout a été mis en place « au cas où » puisqu'on ne voit pas souvent des grossesses qui frôlent les 43 semaines de gestation. On ouvre rapidement mon ventre et on entend déjà mon bébé pleurer au loin! Tout le monde rit dans la salle d'opération et on le sort rapidement de là. Ma sage-femme me quitte quelques instants et elle va voir comment se porte ma fille. Elle est en parfaite santé et on la remet rapidement à son papa qui me la présente. Je me souviens ne pas avoir trop réagi à ce moment, il y avait trop de choses qui se passaient autour de moi et disons que l'anesthésie était très efficace. Je me suis complètement remise à ma sage-femme qui me confirmait que tout allait très bien, c'était tout ce qui comptait à ce moment. J'ai continué à parler avec la gynécologue pendant qu'elle me recousait et nous avons rit à plusieurs reprises. J'ai eu la salle de réveil pour moi toute seule ainsi qu'une gentille infirmière avec qui parler. Après s'être assurée que j'allais bien, ma sage-femme est allée rejoindre mon chum et mon bébé pour l'assister un moment. Il me dit encore aujourd'hui qu'il a vraiment apprécié son aide à ce moment puisque ma fille était très affamée et qu'elle était en pleurs pendant tout le temps de mon réveil. Par la suite, elle est revenue à mes côtés et nous avons partagé un moment d'une grande intimité et de confidences où j'ai pu, avec son soutien, faire le deuil de vieilles blessures qui sont restées dans la salle de réveil du CHUS Fleurimont. Vers minuit, j'ai pu faire la rencontre de ma fille et j'ai pu lui donner le sein pour la première fois, assistée de ma sage-femme. Même si j'étais extrêmement maladroite les premières fois où j'ai pris ma fille dans mes bras, l'allaitement s'est tout de suite instauré sans aucune complication.
Cette nuit-là, nous sommes devenus une famille. Même si nous n'avions rien planifié, même si nous n'avions pas pris de cours prénataux, même si nous n'avions pas de maison, pas d'argent et très peu de connaissances avec les bébés, nous nous sommes tout de suite mis à travailler en équipe pour prendre soin de notre fille. Mais surtout, nous sommes tombés en amour immédiatement avec notre fille. Même si nous avons beaucoup hésité, nous ne regrettons rien.
Si je ne suis pas en dépression post-partum aujourd'hui, je le dois beaucoup à mes sages-femmes. Leur soutien tant physique que psychologique m'a permis de mettre toutes les chances de mon côté pour que mon expérience soit la plus positive possible. Même si la césarienne était pour moi la pire des options, j'en garde aujourd'hui un bon souvenir malgré la longue convalescence. Grâce à l'écoute et à la compréhension de mes sages-femmes, j'ai pu vraiment tout essayer pour accoucher naturellement sans conserver l'idée d'un sentiment d'échec.
Il y a une époque dans ma vie où je détestais tellement les bébés et j'étais loin de me douter que je tomberais autant en amour avec ce petit être qui s'accroche tout le temps à moi. La magie s'est également opérée pour son papa qui m'a révélé, il n'y a pas si longtemps, n'avoir jamais pensé pouvoir aimer autant un être humain. Comme tout le monde, nous vivons nos hauts et nos bas, mais nous sommes désormais une famille qui ne pensait jamais se rendre où elle est maintenant.
Marjolaine Deneault

mercredi 20 février 2019

Cornichon à l'air libre


Aujourd’hui, c’est la journée pour la persévérance scolaire.
Et oui, je suis habillé en vert!
J’ai l’air d’un cornichon ! Mais j’ai l’air d’un cornichon heureux !
En fait, je trouve ça drôle.
Pourquoi ? Parce que si je recule de 20 ans, je me revois assis à la Polyvalente… Et j’ai l’air d’un cornichon… Je suis un ado maigre aux bras trop longs avec le teint vert… Et j’ai juste envie d’une chose, c’est de sauté en bas du bocal et quitter cette école qui me fais tant chier !
Ah oui, désolé pour les expressions imagées, je suis un gars franc et direct. L’hypocrisie ce n’est pas fait pour moi. Alors faire semblant que l’école j’aime ça, ça ne fonctionne pas.Tout simplement parce que l’école secondaire (comme le primaire) n’est pas fait pour des gars comme moi. Le secondaire c’est fait pour des intellectuels. Pas pour des manuels comme moi. Pas pour des manuels comme la plupart des ti-gars du secondaire.

Alors c’est dur d’évoluer dans un monde qui n’est pas fait pour nous, qui nous juge et quelque fois, nous rabaisse.
Quand je me souviens de mes années à la polyvalente, je ne suis pas sûr d’y retrouver de bons souvenirs. J’en ai eus c’est sûr, mais les humiliations, les difficultés scolaires et les écorchures d’ado viennent déposer un voile sombre sur une période de vie qui devrait être joyeuse et pleine de découvertes.
Mais pas pour moi.
Parce que je n’entrais pas dans le moule, comme bien des ti-gars (et même des tite-filles) qui ne sont pas fait pour le mode d’enseignement privilégié dans nos écoles. Et ce n’est aucunement une question d’intelligence, c’est une question de mode de fonctionnement cognitif, de manière d’apprendre.

Si vous avez des ados à la maison, si vous avez un jeune pour qui l’école, c’est un chemin de croix, mon message s’adresse à eux.
À Ceux qui se sont levés ce matin pour aller à l’école avec la larme à l’œil. Ceux qui aimeraient mieux aller chez le dentiste plutôt qu’à un cours de français. Ceux qui se voient ailleurs, ceux qui regardent toujours par la fenêtre durant les cours.
Heille la gang, lâchez pas, vous avez un avenir au bout du tunnel !
Ne vous laissez pas abattre par des remarques désobligeantes de profs qui ne comprennent pas ce que vous vivez. Retroussez-vous les manches et travaillez le plus fort possible, ça en vaut la peine !
Aujourd’hui, j’ai 40 ans.
Ouin, je sais, pour un ado comme toi, je suis vieux. Mais j’ai été jeune et je m’en souviens très bien !
En fait, les blessures sont encore là et certaines sont encore au vif.
J’ai passé au travers le secondaire la tête basse pour aller dans ce que les vieux appellent « une école des métiers ».
Je suis allé faire un DEP ce qui, dans ce temps-là, était honteux. Honteux parce que la perception était (et est encore) que si tu vas dans un DEP, c’est que tu n’as pas la capacité d’aller au CEGEP ou même à l’université…
Mais vous savez quoi? J’ai trippé fort!
J’en ai même fait deux!!
Un en électromécanique et un autre en technique d’usinage suivie d’une spécialisation.
En tout, j’ai été sur les bancs d’école à avoir un fun de fou pendant 5 ans!
Après quelques année sur le marché du travail à être passionné de mon métier, j’ai décidé d’aller « une coche » au-dessus.
J’ai fait un BAC en enseignement à l’université et je suis devenu prof dans un métier qui me passionne. Oui oui, moi le pas bon du secondaire, le gars qu’un prof a déjà traité de « déchet de la société » devant toute une classe. Moi le gars qui a brûlé les vieux bulletins que ma mère avait gardé parce que j’en avais trop honte et que ça me rappelait trop de mauvais souvenirs.
Moi, le gars qui a déjà pensé en finir parce que je ne voyais plus rien devant moi…
Moi, le cancre , j’ai fait un BAC à l’université.
Je l’ai fait pour moi, mais aussi, pour aider des gens qui sont comme moi. Qui ne manquent pas d’intelligence, qui ne manquent pas de créativité, qui ne manquent pas de cœur, mais qui n’ont juste pas leur place dans le système d’éducation.
Et toi l’ado qui a juste envie de décrocher; Est-ce que je suis meilleur que toi ??
Non, pas du tout. Sérieusement, tu es même probablement meilleur que moi…
Mais y’a une chose qu’il faut que tu comprennes.
Voilà quelques années j’étais à la même place que toi. Le cœur en peine, la tête dans les nuages. J’ai juste eu des parents merveilleux qui me bottaient le cul chaque jour pour que je me traîne jusqu’à l’école… Dans le temps, je les détestais presque. Aujourd’hui, je comprends…
J’ai eu une blonde formidable qui m’épaulait du mieux qu’elle pouvait. J’ai eu des vrais amis qui voyaient en moi le potentiel que j’avais mais que moi-même je ne voyais pas.
Mais la grande vérité dans le fond, c’est que tout ce beau monde ne faisait que m’aider, car ma réussite, mon succès, il était en moi.
Il est aussi en toi…
Alors toi qu’on appelle le grand flanc mou ou la petite pas bonne, l’ado qui se fait dire qu’il ne fera jamais rien de bon dans la vie… Sache que tu es mieux de mourir debout que de vivre à genoux…
Redresse toi , travaille du mieux que tu le peux, et montre leur qui tu es, qui tu mérites d’être!
Fais le pour toi, pas pour eux.
Lâche pas, t’es capable ! Reste à l’école, c’est un bout dur, mais nécessaire.
Lâche pas, t’es capable ! Travaille fort, tes résultats n’en seront que plus grands !
Lâche pas, t’es capable ! Essuie les coups durs, ne les laisse pas t’atteindre, prend cette rage comme motivation !
Lâche pas t’es capable ! Vie tes passions à fond, le reste n’en sera que plus agréable!
Lâche pas t’es capable ! Dans une ''couple'' d’années, dans une certaine semaine de février, tu t’habilleras en vert, pour appuyer ceux qui seront dans la même position que toi tu étais. Tu porteras ce vert avec fierté parce que tu t’es tenu debout quand c’était le temps…

Lâche pas, t’es capable !
Jeef Rousseau

mercredi 13 février 2019

J’ai pris le temps


Je regarde par la fenêtre de ma cuisine et je remarque cette jardinière aux plantes toutes jaunies par le froid et le gel qui se ballotte au vent, sa sœur est aussi accrochée au poteau d’à côté. Si on pouvait voir sous l’immense tas de neige juste en dessous, je trouverais mes plates-bandes toutes asséchées et sales que je n’ai pas nettoyées cet automne.


Je recule un peu et vois sur le contour de cette même fenêtre, un cordon de lumières de Noël blanches encore accroché. Je ne l’allume plus, pas plus que ces autres frères intérieurs qui ornent les fenêtres de ma salle à manger et de mon salon, mais ce soir mes lumières extérieures s’allumeront encore. Tant qu’il y a de la neige, c’est l’hiver, c’est un peu Noël. Je tourne la tête un peu et j’entrevois, oui, mon sapin de Noël, naturel, tout affalé, les aiguilles et les boules qui lui tombent de partout. « Je dois le défaire aujourd’hui! » C’est ce que je me dis depuis le 7 janvier et pour toutes les autres décorations d’ailleurs.

Ce matin, ce n’est pas un sentiment d’inefficacité ou de culpabilité qui me vient à la vue de ces tâches inaccomplies. « J’ai pris le temps… » Voilà ce que m’a soufflée la brise hivernale de ce 23 janvier.
J’ai pris le temps, car cet automne au lieu d’être allée dehors à nettoyer mes plates-bandes, j’ai passé six semaines à coudre des costumes d’Halloween à mes enfants! Quels sourires chez eux! Quelle fierté chez moi! J’ai pris le temps, car au retour des fêtes j’ai eu à prendre soin de mes bonhommes qui sont tombés malades l’un après l’autre et maintenant c’est moi qui le suis. Quel plaisir de les voir se réveiller guérit un matin et quel soulagement!


Cet automne, mon temps a aussi été accaparé par l’avènement de défis personnels qui font que je vois à nouveau la vie du bon côté et qui apportent une nouvelle lumière dans la maison et dans la famille par mon sentiment de réalisation. Alors, j’ai pu être là, au complet, pour soutenir chacun de mes enfants quand ils faisaient face à des défis personnels. Je le suis encore.

Cet hiver mes implications et défis se poursuivent, d’autres s’ajoutent, ça roule, mais je me lève avec le sourire le matin, je me sens plus patiente avec mes enfants, je me sens accomplie! Oui accomplie… même si j’ai deux jardinières qui attendent le printemps pour que j’aille les décrocher et même si je ne sais pas si mon sapin sera défait ce soir, car en entendant mon fils me demander de venir jouer avec lui, je lui réponds : « Oui, je viens! » Je viens prendre le temps…

Maman qui prend le temps

mercredi 6 février 2019

Le voyeur


Il était à son poste d’observation favori à la même heure chaque matin. Il lui fallait la voir de nouveau, il ne pouvait s’empêcher de la voir effectuer tous ses petits gestes quotidiens lorsqu’elle se levait de son lit. Il était là, avant même que l’alarme du réveil de l’adolescente ne sonne, avant qu’elle n’ébauche son premier sourire de la journée vers sa fenêtre. Cela faisait maintenant deux mois qu’il était là, et elle ne se doutait de rien encore. Ce matin-là, le soleil brillait de mille et un feux et lui, en était plutôt heureux car, pour une journée d’automne, il ne faisait pas trop froid. Le bruit de l’alarme de la jeune fille se fit entendre et il porta son regard vers l’immense lit où le jeune corps semblait perdu. En moins de quinze minutes, elle était vêtue d’une chemise d’homme noire et d’un pantalon rouge sang. Cet accoutrement était inhabituel pour une femme, mais cela lui donnait un style unique laissant paraître un air fragile et sexy à la fois. Le tableau s’offrant à ses yeux était extraordinaire, mais quelque chose clochait… une larme roulait sur ses joues enfantines, suivie de plusieurs autres. Le voyeur s’aperçut que quelque chose n’allait pas bien chez l’adolescente, mais que pouvait-il bien faire? Il essaya de se rapprocher discrètement de la fenêtre, mais l’adolescente sortit de sa chambre, laissant la pièce vide. Il décida de ne plus se tracasser pour le jeune visage aux grands yeux brillants de larmes et partit.



Le voyeur revint à son poste le lendemain matin; c’était un samedi, donc l’adolescente dormirait plus longtemps qu’à l’habitude, mais il s’en foutait, il voulait seulement la voir le plus longtemps possible. Quelle ne fut pas sa surprise de ne pas voir le lit occupé ni même défait! Inquiet, il se promit de revenir en soirée, au coucher du soleil, avant d’aller dormir. La journée s’écoula lentement, minute par minute, seconde par seconde. Dès que le soleil se colora de teintes orangées, il se précipita vers sa fenêtre favorite.
L’adolescente y était, seule comme toujours, les yeux rouges de pleurs, tout comme la veille. Ses cheveux d’un brun doré flottaient librement, elle ressemblait à un jeune fantôme errant, avec son visage pâle de tristesse. Le voyeur se rapprocha pour la voir, essayant de déterminer les causes de son chagrin.
Ce qui y vit, fut encore plus bouleversant qu’il ne l’imaginait! L’adolescente avait entre les mains un flacon vide de comprimés. Celle-ci se dirigea vers sa lampe de chevet et l’éteignit, se plongeant dans le noir. Le voyeur ne put partir de la fenêtre. Il ne savait pas si l’adolescente avait vidé la bouteille de comprimés au complet ou si elle n’avait pris que la dernière. Peut-être pleurait-elle à cause d’une migraine… Mais peut-être pleurait-elle pour une raison beaucoup plus grave… Il ne savait trop à quoi s’en tenir, mais son instinct le poussa à frapper légèrement contre la fenêtre. Si la jeune fille aux yeux tristes venait voir qui c’était, il s’en irait, mais dans le cas contraire…
Elle ne vint pas et il décida de s’acharner en frappant plus fort contre la vitre. Plus le temps s’écoulait, plus il frappait fort, mais il était frêle et devait faire beaucoup d’efforts pour faire beaucoup de bruit. Après une bonne vingtaine de minutes, une femme d’âge mûr entra dans la chambre et alluma la lampe de chevet pour voir ce qui entraînait tout ce vacarme. Elle se dirigea vers la fenêtre et, lorsqu’elle l’ouvrit, elle ne vit personne, mais le voyeur y était toujours caché et faible. La femme se dirigea vers le lit de sa fille et ce qu’elle y vit la terrifia lui glaçant le sang dans les veines. Le flacon de comprimés tout neuf qu’elle venait à peine d’acheter était vide auprès de sa fille. Le voyeur vit qu’il avait bien fait de s’acharner contre la fenêtre, sinon l’adolescente serait morte. Lui, pourtant, mourut le cœur heureux d’avoir sauvé la jeune fille aux yeux tristes… Il mourut, car sa frêle ossature n’était pas faite pour frapper aux fenêtres aussi fort que cela… Il mourut car, n’étant qu’un oiseau, ses os n’avaient pu résister aux collisions contre sa fenêtre favorite.


Voici une nouvelle littéraire que j'ai écrite adolescente. L'écriture m'a permise de passer au travers de cette époque pas facile de ma vie. Maintenant maman de quatre enfants. je suis heureuse d'avoir pu trouver des moyens de me sauver...