mercredi 11 novembre 2020

Dire merci

L'Homme, Adn, Spirale, Biologie, Fusionner, Points DeOn gagnerait, maman, à revenir à ta sagesse qui voulait qu'il n'existe pas sur la terre une famille parfaite. Tu recommandais de réserver une place pour la chicane et une autre pour la réconciliation comme façon de célébrer les hauts et les bas d'une famille. C'est ce discernement qui devait guider nos actions et nos interactions avec notre biodiversité corporelle. Comme tu dis souvent, à force d'élaguer tous les membres de sa famille, on finit par se retrouver tout seul. Or, c'est quand on est isolé qu'on est vulnérable. Tous les grands prédateurs de la savane savent qu'il est plus facile d'attraper une proie si on l'éloigne de sa famille. Tu ne le sais pas, maman, mais pendant que j'étais au chaud dans ton ventre en cette année 1965, des cellules de ton système immunitaire capturaient des bactéries dans tes entrailles pour me les servir dans ton lait. Ces cellules dites dendritiques transportaient des bactéries de ton ventre vers tes tissus mammaires, où je m'abreuvais. Au-delà de la vie, tu m'as aussi donné ces amis dont la descendance lointaine est encore en moi. Tu as hérité ces associés de ma défunte grand-maman. Ta propre mère est partie trop vite, mais elle a eu le temps de te léguer ces parrains microscopiques de remplacement qui te sont restés fidèles. Comme de petites mamans de substitution, elles t'ont nourrie, soignée et ont peut-être apaisé tes larmes d'orpheline. Les bactéries sont à la biodiversité planétaire ce que tu es à notre solidarité familiale. Ma défunte grand-mère a elle-même reçu sa flore originale de mon arrière-grand-mère et ainsi de suite. Si on continue cette généalogie, on verra défiler sur 3,5 milliards d'années des reptiles, des oiseaux, des mammifères arboricoles et, à la fin, des bactéries avec lesquelles tout a commencé. Toi qui aimes les grandes familles, maman, tu seras heureuse d'apprendre que nous partageons des liens de parenté avec tous les êtres vivants qui peuplent la terre. Même les bactéries, les mousses et les champignons ont des liens de parenté avec nous. Tu as raison quand tu dis que personne ne s'est réalisé tout seul dans ce monde et que, par conséquent, il faut prendre le temps de dire merci à la vie, de remercier la Terre-Mère comme on remercie nos mamans de nous avoir donné la vie et de nous avoir enveloppé de leur amour.

Extrait du livre, Pour l'amour de ma mère. Écrit par Boucar Diouf (biologiste, humoriste et écrivain). Les éditions La presse, pages 113 et 114.Lion, Roar, Afrique, Des Animaux, Fauve

Aucun commentaire:

Publier un commentaire