Avoir un enfant malade ou handicapé
apporte son lot de problèmes comme je mentionnais dans un autre texte
publié il y a quelque temps : « Maladie
d’un enfant, plus qu’un simple rhume »
Mais qu’en
est-il d’être le frère ou la sœur d’un enfant malade ou
handicapé?
Pour vous mettre en situation, dès ma
naissance je suis entrée dans cette aventure. Mon grand frère, qui
était âgé de 8 ans était malade. Non pas d’un rhume. Il était
malade, pour vrai. Un peu avant ma naissance il a eu une tumeur au
cerveau, il a dû être opéré. Qui dit opération, dit rémission.
« Si ça n’avait pu être que ça, une simple opération
et tout rentre dans l’ordre, on en reparle plus c’est du
passé et il vit sa vie comme un enfant normal. » Mais non.
Il a dû avoir d’autres opérations, à la suite de certaines
complications. Ses opérations avaient lieu à Montréal, à un peu
plus de 2 heures de route, nous étions séparés de maman qui
restait à son chevet, elle louait une chambre à côté de
l’hôpital. Nous étions donc à la maison avec papa qui
travaillait sur la ferme. (Nous avions environ 2 ans 1/2 et 6 ans). Une
chose n’attendait pas l’autre. Son système immunitaire était
au plus bas, il attrapait tout. Tout devenait tantôt une visite chez
le médecin, tantôt un départ d’urgence en ambulance. Il a dû
être hospitalisé à maintes reprises. Une des opérations que je
mentionnais était une trachéotomie (Ceci consiste à créer une
ouverture à la base du cou dans laquelle est insérée un tube pour
permettre au patient de respirer). Il y avait donc plusieurs soins à
lui prodiguer à la maison. Il devait dormir chaque nuit avec un
appareil lui permettant d’avoir l’humidité nécessaire pour
respirer et bien dormir, cet appareil qui était attaché dans son cou
pour que ça entre par la trachéo (ça fait penser un peu à la
machine pour l’apnée du sommeil, cependant c’est plus gros et
plus bruyant, quoi que je n’aie jamais entendu celle pour l’apnée.)
En plus des nombreuses pilules qu’il devait prendre tous les jours,
il devait à tous les matins et tous les soirs avant de se coucher,
s’installer à une autre machine pendant un bon 15 minutes pour
pendre les médicaments nécessaires à sa santé. Il fallait bien
sûr que le tout soit lavé et stérilisé….
Pendant un
certain temps, il a même dû faire l’école à la maison. Des
professeurs et intervenants venaient faire un tour, sans compter les
visites des charmantes infirmières. Tous des gens très sympathiques et à l’écoute. Je leur lève mon chapeau pour tout les bons soins
qu’ils/elles ont pu lui apporter.
N’ayant plus beaucoup d’anticorps,
comme je mentionnais plus haut, vers l’âge de 22 ans à la suite
d’une pneumonie on a failli le perdre. Il a été longtemps aux soins intensifs. Il a dû tout réapprendre : parler, marcher,
prendre des objets, et j’en passe. Il était au CHUS à Sherbrooke,
à 45 minutes de la maison, ma mère a pu se trouver une chambre dans la
résidence des résidents à côté de l’hôpital, ainsi ça
allégeait les nombreux trajets nécessaires à tous
les jours. Ça a chamboulé nos vies. J’étais alors âgée de
11 ans, ma mère était pour me montrer à faire le lavage cet été-là mais elle a été prise de court, j’ai dû apprendre à faire
fonctionner la laveuse et la sécheuse par téléphone, ainsi que
faire l’épicerie en bonus, je devais m’occuper de la maisonnée
et faire les repas. Par chance, à cette époque nous faisions
l’épicerie par téléphone et celle-ci, non loin de chez nous,
venait faire la livraison. Par chance, sinon ça aurait été plus
compliqué à coordonner avec le temps des récoltes sur la ferme,
mon père et mon autre frère y étant affairés. « Du jour au
lendemain je me suis retrouvée dans le rôle de la maman. Ouf! »
Au bout de quelques mois il a pu revenir à la maison et la vie
reprendre plus normalement.
C’est à l’âge
de 26 ans qu’il nous a quitté des suites des complications d’un
autre virus. Il se sera rendu tout de même à un âge plus avancé
que ce que les médecins prédisaient. Il aura enfin été
libéré de toutes ses souffrances.
Toutes ces années, j’ai
vu mes parents veiller à ses soins, voir à ce qu’il ne manque
de rien, QUE NOUS (son frère et ses soeurs) ne manquions de rien. Faire des
allers-retours à l’hôpital pour les rendez-vous et les hospitalisations.
Mes parents ont fait ce qu’ils ont pu pour qu’on ne soit pas
trop touchés. Nous faisions quelques rares sorties, nous ne pouvions
pas aller n’importe où vu sa condition. Cependant ça laisse
tout de même des traces, des écorchures, qu’on le veuille ou
non.
Voir son frère partir en ambulance, le voir dans un lit
d’hôpital, voir les cicatrices des opérations, voir tous ces gens
(de purs inconnus pour moi du haut de mes 2 ans) entrer dans notre
maison pour lui prodiguer des soins. Le voir triste et jaloux de ne
pas pouvoir travailler sur la ferme à cause de ses handicaps. Mes
parents s’organisaient pour qu’il puisse aider comme il le
pouvait, ne serait-ce que pour aller porter le diner à papa dans les
champs. Il ne pouvait pas conduire les tracteurs, car je n’ai pas
mentionné plus haut mais en plus, il lui arrivait de faire des
crises d’épilepsie. « HO! Qu’il aurait dont aimé
conduire les tracteurs ».
Le voir réapprendre à
marcher. J’ai été une fois avec maman le voir pour l’encourager,
malheureusement je ne suis pas tombée sur la bonne journée, en
réadaptation il y a des hauts et des bas, et bien cette journée il
était découragé, je l’ai vu démoli, il ne voulait plus faire
d’effort, il voulait tout abandonner. Je ne peux d’écrire ce que
j’ai ressenti, probablement le sentiment de ne pouvoir rien
faire, je vous écris et les émotions montent, ça doit m’avoir
touchée plus que je ne le croyais, c’est pour dire comment ça
peut laisser des traces. Être parfois détachée de sa maman qui est
au loin pendant des jours, voir des semaines, pour prendre soin de
lui n’était pas toujours évident pour la petite moi.
Ce
qui a été le plus difficile, c’est sans doute l’incapacité de pouvoir lui donner une meilleure vie et par bouts voir sa tristesse
face à ses handicaps. Je n’ose pas imaginer ce que c’était
pour mes parents.
Malgré ses écorchures, ça à laisser
place à une certaine résilience. Ça fait de moi une personne à
l’écoute des besoins des autres, une personne attentionnée,
empathique et qui est sensible face aux personnes handicapées et
différentes, qui sait que derrière la différence se cache souvent
de beaux trésors. Des gens qui ne demandent qu’à être connus. J’en
garde aussi une grande force de battante, celle-ci me vient de ma
mère qui l’était pour dix et qui semblait inébranlable devant
les épreuves (il est certain qu’elle devait avoir ses moments de
faiblesse à travers tout ça, mais elle gardait une force
indescriptible). Ça fait de moi quelqu’un qui n’a pas peur à
la moindre embûche, quelqu’un de sensible et qui travaille encore
aujourd’hui sur certaines traces laissées par ce passé.
En
conclusion, malgré toutes les épreuves que nous avons tous
traversées (vous, moi, la voisine d’à côté) il faut garder la
tête haute et grandir à travers celles-ci, les accueillir dans le
moment présent, peu importe de quel nature elles sont. Il faut trouver
un jour ou l’autre le positif de chaque chose, même si cela est
difficile dans le moment présent, que nous sommes à terre et que
nous ne voyons pas le bout. Un jour les réponses seront là. Merci
la vie de me permettre de faire un récapitulatif sur ce que ça m’a
apporté d’être la sœur d’un enfant malade.
Je vous salue là-haut mes
2 battants xx