mercredi 31 mai 2017

Cette cicatrice dont je devrais être fière...

Il est 4h du matin, je ressens enfin les fameuses contractions... les vraies! Dans les heures ou les jours à venir je vais devenir mère pour la première fois. Je me suis préparée, j'ai fait les cours prénataux, j'ai lu sur la grossesse, un peu sur l'accouchement, mais ce n'est que l'étape entre 2 états: la grossesse et la maternité... Un plan de naissance? Ouin, je sais à peu près dans ma tête ce que je veux... Je veux avoir mon bébé... le plus naturellement possible... si possible!

Il est midi, ça ne change pas... ça fait mal... Je marche pour aider au travail, c'est ce que ma mère me propose, car quand je suis au repos, il me semble que cela ralentit... et j'ai hâte de lui voir la binette à ce fiston! Quand Chéri rentre du bureau, ça continue de faire mal... on est à peu près aux 5 minutes... L'hôpital a dit que c'était le signal... Bon alors, on y va!

J'arrive avec le sourire de la femme heureuse qui verra bientôt son bébé... C'est écrit dans les yeux des infirmières qu'elles croient qu'elles devront me retourner à la maison, car en 10 minutes je n’ai eu aucune contraction importante... jusqu'à l'examen vaginal... Ah ben il semblerait que ce sera un accouchement rapide, je suis déjà dilatée de 8 cm! Il est 20h...

À 3h du matin, je suis en route pour la salle d'opération... Le travail n'a pas évolué, bébé est mal placé et appuie sur le col qui se met à enfler au lieu de poursuivre sa dilatation... On nous a dit qu'il fallait aller en césarienne... Ah Ok, d'accord heu... ce n'était pas dans mon plan de naissance... (ouin c'est vrai que j'en avais pas vraiment non plus...) Chéri écoute et suit ce que les médecins et infirmières lui disent de faire... Moi aussi. À 3h38, j'entends pleurer de l'autre côté de l'immense rideau bleu qui nous cache tout. Il est beau et parfait me dit-on... Je l'entrevois quelques secondes puis Papa s'en va avec lui et moi on me recoud tranquillement. On me félicite puis on oublie un peu que je suis là, jusqu'à ce que je fasse une petite attaque de panique ayant l'impression que mon coeur ne va pas bien... mais non ce n'est que de l'anxiété... de la fatigue, il y a bientôt 24 heures que je suis éveillée et je viens de subir une chirurgie... la première de ma vie... et d'une série de 4.

À chaque visite de médecin ou d'infirmière, on me pose les mêmes questions sur bébé et sur ma cicatrice, mes douleurs... les mêmes qu'on me posera aussi au retour à la maison et avec mon médecin de famille... Je réponds toujours que ça va. C'est vrai que ça va! Mon bébé est en santé et moi je guéris bien et même vite. Mais quand je repense à la naissance de mon fils, je me dis que ça ne va pas... Ce n'était pas supposé se passer comme cela! Ce n'est pas ça accoucher! J'ai même pas mis mes pieds dans les foutus étriers! Depuis la nuit des temps, les femmes accouchent sans difficulté et pas moi, pourquoi pas moi?

Te rends-tu compte que grâce à la médecine tu es là et ton fils aussi... Ça n'aurait peut-être pas été le cas il y a 50 ans?” Me dit ma mère pour me rassurer.

Ah j'ai tellement eu mal et j'ai tellement déchiré que j'aurais préféré une césarienne!” Me dit une amie pour relativiser.

C'est plus rassurant la césarienne non? Dans une salle d'opération tout est là au cas où, il me semble que la situation est plus sous contrôle.” Me dit mon chum lorsqu'on parle de la préparation de l'accouchement du 2e, car je veux tenter un AVAC (accouchement vaginal après césarienne).

À chaque fois j'ai eu le goût de hurler: “NON!!!! TU NE COMPRENDS RIEN!!!!” C'est viscéral! Ça vient de mes tripes ou je ne sais pas trop d'où, mais quelque chose en dedans de moi n'accepte pas que ce soit comme cela pour moi! Est-ce que cela veut dire que si on avait été au Moyen Âge, je serais morte en couche? (m'en fous que ça ne fasse pas de sens comme question vu qu'on est au 21e siècle!) Pour moi ça en a du sens... car si mon corps n'était pas fait pour accoucher... qu'en est-il de ma maternité? Est-elle légitime? Ai-je le droit d'être mère si je ne sais pas comment accoucher?

Il a découlé tellement de colère et d'incompréhension de cette première cicatrice que j'ai effectivement tenté 2 AVACs. Le premier n'a pas fonctionné, car il semblerait que j'avais une infection à mon arrivée à l'hôpital et le coeur de mon 2e s'est mis à nous inquiéter lorsque j'ai pris la péridurale... Il est né avec un Apgar de 2 (et le second de 8 quand même). Et je vous passe l'exécrable expérience de la valse entre les 2 équipes de médecine de famille et de gynécologie (quand je dis équipes c'est que le CHUS étant un hôpital universitaire je n'avais pas droit qu'au médecin, il y avait au minimum son interne et sa résidente en plus!!!!) qui ne s'entendaient pas sur l'évolution de mon col et du travail! Au moins le gynéco s’est rattrapé en m’offrant de me “réparer” ma cicatrice en m’en faisant une bien plus belle que la première! ;)

Le deuxième essai d'AVAC, je m'étais même préparée avec l'auto-hypnose... MAIS j'ai crevé mes eaux avant que le travail ne débute!!! Et les médecins ne veulent pas que les eaux soient crevées plus de 24h avant la naissance et comme je ne pouvais avoir de Pitocin vu mes césariennes antérieures en plus du travail qui a stoppé à 6 cm... vous connaissez la suite.

Alors que, pour mon 4e, je croyais avoir fait la paix avec tout cela en acceptant la césarienne planifiée (le plus tard possible par contre, pas à 38 semaines!!!), que j'ai ri avec ceux qui me disaient qu'on pourrait me poser un Zipper, que j'ai souri en disant à mon médecin que je comprenais que je ne pouvais pas tenter un 3e AVAC et que j'ai hoché la tête lorsque des gens me disaient que j'étais habituée après tout, tout cela s'est envolé quand je suis arrivée sur la table d'opération et que j'ai senti qu'ils s'apprêtaient à me faire la rachidienne (comme une péridurale, mais ils piquent ailleurs et c'est plus efficace, plus vite. Effectivement, j'ai appris avec mon 2e que la péridural n'était pas tout à fait efficace pour moi!!). À cet instant, je suis devenue livide et tout ce qui se disait dans ma tête c'est: “Je ne veux pas vivre cela encore une fois! Je m'en vais!

C'est le: “Est-ce que ça va madame?” d'une des infirmières qui m'a ramenée à la réalité et qui m'a permis de me rappeler que je venais donner naissance... ou au moins rencontrer mon bébé...

Au final, 9 ans après ma première césarienne, je peux dire que je suis en paix avec l'idée de ne pas avoir accouché “normalement” de mes enfants. Est-ce que je l'ai accepté? Non! Je me questionne encore... Aujourd'hui, je comprends que ce qui m'a manqué ce n'est pas de la planification, mais plutôt de la connaissance. Je sais maintenant que je me suis sentie complètement à la merci de l'équipe de la maternité. Je ne leur reproche pas d'avoir manqué à leur devoir, mais je me reproche de ne pas avoir questionné davantage; d'avoir demandé les autres options. Je me reproche de ne pas avoir été en charge de mon propre accouchement.

J'ai aussi réalisé que j'en ai voulu à mon conjoint, car je l'ai trouvé peu proactif et particulièrement quand il m'a dit qu’il préférait la césarienne. Mais c'est en le voyant m'accompagner pour la préparation à l'auto-hypnose et en voyant qu'il savait être en charge quand on lui demandait que j'ai compris que j'avais oublié de me préparer, de NOUS préparer, à cette étape. L'accouchement n'est pas qu'une transition entre 2 états, c'est l'arrivée au monde d'un être vivant... C'est peut-être court dans la vie de l'enfant et des parents, mais ça n'en fait pas un moment moins important qu'il ne faut pas considérer. Il est peut-être impossible à planifier, car tout peut arriver, mais il faut se préparer à le VIVRE... et c'est là que j'en veux encore que je M'en veux encore, car je n'ai pas SU le vivre... et j'aurais tellement voulu le faire…

Maman de 4 beaux enfants nés avec la tête ronde ronde ronde...


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