mercredi 6 février 2019

Le voyeur


Il était à son poste d’observation favori à la même heure chaque matin. Il lui fallait la voir de nouveau, il ne pouvait s’empêcher de la voir effectuer tous ses petits gestes quotidiens lorsqu’elle se levait de son lit. Il était là, avant même que l’alarme du réveil de l’adolescente ne sonne, avant qu’elle n’ébauche son premier sourire de la journée vers sa fenêtre. Cela faisait maintenant deux mois qu’il était là, et elle ne se doutait de rien encore. Ce matin-là, le soleil brillait de mille et un feux et lui, en était plutôt heureux car, pour une journée d’automne, il ne faisait pas trop froid. Le bruit de l’alarme de la jeune fille se fit entendre et il porta son regard vers l’immense lit où le jeune corps semblait perdu. En moins de quinze minutes, elle était vêtue d’une chemise d’homme noire et d’un pantalon rouge sang. Cet accoutrement était inhabituel pour une femme, mais cela lui donnait un style unique laissant paraître un air fragile et sexy à la fois. Le tableau s’offrant à ses yeux était extraordinaire, mais quelque chose clochait… une larme roulait sur ses joues enfantines, suivie de plusieurs autres. Le voyeur s’aperçut que quelque chose n’allait pas bien chez l’adolescente, mais que pouvait-il bien faire? Il essaya de se rapprocher discrètement de la fenêtre, mais l’adolescente sortit de sa chambre, laissant la pièce vide. Il décida de ne plus se tracasser pour le jeune visage aux grands yeux brillants de larmes et partit.



Le voyeur revint à son poste le lendemain matin; c’était un samedi, donc l’adolescente dormirait plus longtemps qu’à l’habitude, mais il s’en foutait, il voulait seulement la voir le plus longtemps possible. Quelle ne fut pas sa surprise de ne pas voir le lit occupé ni même défait! Inquiet, il se promit de revenir en soirée, au coucher du soleil, avant d’aller dormir. La journée s’écoula lentement, minute par minute, seconde par seconde. Dès que le soleil se colora de teintes orangées, il se précipita vers sa fenêtre favorite.
L’adolescente y était, seule comme toujours, les yeux rouges de pleurs, tout comme la veille. Ses cheveux d’un brun doré flottaient librement, elle ressemblait à un jeune fantôme errant, avec son visage pâle de tristesse. Le voyeur se rapprocha pour la voir, essayant de déterminer les causes de son chagrin.
Ce qui y vit, fut encore plus bouleversant qu’il ne l’imaginait! L’adolescente avait entre les mains un flacon vide de comprimés. Celle-ci se dirigea vers sa lampe de chevet et l’éteignit, se plongeant dans le noir. Le voyeur ne put partir de la fenêtre. Il ne savait pas si l’adolescente avait vidé la bouteille de comprimés au complet ou si elle n’avait pris que la dernière. Peut-être pleurait-elle à cause d’une migraine… Mais peut-être pleurait-elle pour une raison beaucoup plus grave… Il ne savait trop à quoi s’en tenir, mais son instinct le poussa à frapper légèrement contre la fenêtre. Si la jeune fille aux yeux tristes venait voir qui c’était, il s’en irait, mais dans le cas contraire…
Elle ne vint pas et il décida de s’acharner en frappant plus fort contre la vitre. Plus le temps s’écoulait, plus il frappait fort, mais il était frêle et devait faire beaucoup d’efforts pour faire beaucoup de bruit. Après une bonne vingtaine de minutes, une femme d’âge mûr entra dans la chambre et alluma la lampe de chevet pour voir ce qui entraînait tout ce vacarme. Elle se dirigea vers la fenêtre et, lorsqu’elle l’ouvrit, elle ne vit personne, mais le voyeur y était toujours caché et faible. La femme se dirigea vers le lit de sa fille et ce qu’elle y vit la terrifia lui glaçant le sang dans les veines. Le flacon de comprimés tout neuf qu’elle venait à peine d’acheter était vide auprès de sa fille. Le voyeur vit qu’il avait bien fait de s’acharner contre la fenêtre, sinon l’adolescente serait morte. Lui, pourtant, mourut le cœur heureux d’avoir sauvé la jeune fille aux yeux tristes… Il mourut, car sa frêle ossature n’était pas faite pour frapper aux fenêtres aussi fort que cela… Il mourut car, n’étant qu’un oiseau, ses os n’avaient pu résister aux collisions contre sa fenêtre favorite.


Voici une nouvelle littéraire que j'ai écrite adolescente. L'écriture m'a permise de passer au travers de cette époque pas facile de ma vie. Maintenant maman de quatre enfants. je suis heureuse d'avoir pu trouver des moyens de me sauver...





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