jeudi 30 mars 2017

Pourquoi j’aime plus mes enfants depuis que je ne suis plus maman à la maison



J’ai été maman à la maison pendant près de 5 ans, soit entre la grossesse de ma première et le moment où notre troisième fut âgé de 14 mois (oui, ils sont collés). Ce fut une expérience que j’ai à la fois adorée et (soyons honnête) détestée.
Avouons-le, se coucher tous les soirs exténuée en sachant qu’inévitablement, on va devoir se lever environ 15 fois durant la nuit, pour finalement se faire hurler aux aurores: « je veux des pattes d’ours pis du jus de tomate » à deux pouces de la face par un nain qui a la face de notre chum, c’est pas exactement un exercice reposant. Se lever et constater que le bordel engendré par la fête d’anniversaire de notre deuxième qu’on a célébré il y a un mois est encore en partie sur le comptoir, entre une montagne de linge à plier depuis tellement longtemps qu’on a oublié l’existence des morceaux de vêtements qui la compose et un panier rempli de 500 bas dépareillés attendant qu’on retrouve leur compagnon de vie, même si on sait tous très bien que ça n’arrivera jamais parce qu’ici, les bas disparaissent à la même vitesse que les caoutchoucs des couvercles de gobelets en plastique; dès le premier lavage, et à tout jamais.
Mais entre les repas 18 services où tes adorables marmots quémandent à tour de rôle des déjeuners tous différents les uns des autres, mais qui doivent absolument être servis dans TELLE assiette orange à chaque matin, pis le moment où tu vas cogner des clous sur le divan en essayant de te rattraper dans la série que tu suivais religieusement auparavant mais qui est maintenant enregistrée sur ton décodeur depuis 3 ans, entre 59 Pat’ Patrouille pis les 27 Ères de Glace, ça se peut que oui, tu te perdes un peu. Que t’en vois pas le bout. Que tu trouves ça redondant, que tu te lèves à chaque matin en anticipant les crises de ton Terrible Two, que tu te trouves inutile à la société, que tu te reconnaisses pu pis que ta vie manque de social en esti, même si tu t’étais toujours dit que toi, tes enfants, t’allais les élever toi-même, que tu les ferais pas garder par quelqu’un d’autre pis que tu retournerais ben sur le milieu du travail quand tout ce beau monde-là serait à la maternelle. Si tu te lèves un matin en détestant ta vie, fille, fais de quoi pour la changer, parce que tu rends service à personne comme ça! (Et surtout pas à toi...)
OUI, être maman à la maison c’est le plus beau métier du monde. C’est un privilège d’être assez à l’aise financièrement pour pouvoir se le permettre. Oui tu peux passer ta vie en mou pis faire sociabiliser tes enfants au parc pis leur enseigner toutes tes valeurs pis adorer tisser des liens vraiment forts avec tes “babes”, mais maudit que s’pas fait pour tout le monde. Pis maudit qu’on vit pas dans une société qui nous apprend que c’est normal de faire ça, corrélation directe avec le fait que tu t’es jamais imaginée faire ça de ta vie, fak iiiiiih que t’es tombée des nues au moment où tu t’es rendue compte que tu serais jamais capable de te séparer de la chair de ta chair le moment venu, pis que t’as décidé de rester à la maison pour de bon. Mais c’est correct que ce soit pas fait pour tous. C’est correct aussi d’essayer, pas longtemps, ou de le faire pendant 5 ans avant d’un soir, pogner son chum à la gorge en y disant que si tu sors pas bientôt d’entre les 4 murs de la maison pour de bon, il va se ramasser tout seul avec moi dans un p’tit pot sur le manteau du foyer! (mais t'es quand même mieux d’y penser avant de te rendre là…)
Je suis retournée à l’université en janvier quand mon bébé avait 14 mois. Oui, je me trouve cruelle de l’abandonner (pis c’est même pas à une étrangère), je m’en veux tous les jours d’être sur un banc d’école avec du cache-cerne un pouce d’épais en dessous des yeux pour camoufler le fait que j’ai deux enfants qui font pas leurs nuits, plutôt qu’à la maison avec eux. Mais quand je les retrouves le soir, je suis contente de les voir. J’ai hâte et je m’ennuie d’eux, pis c’est l’ennuie qui me fait réaliser à quel point je les aime, parce qu’avant, je les avais tellement proches de la face que je les voyais pu. Je les prends dans mes bras et ils sentent bons, alors que j’avais jamais remarqué avant qu’ils avaient une odeur à eux. Je planifie du temps pour des activités, mais maintenant, j’ai hâte, moi aussi, d’y aller, je le fais pas « parce qu’il faut ben faire de quoi avec eux » pis j’y vais plus non plus de reculons parce que c’est juste la 400e fois qu’on va au parc depuis le début de l’été. À la garderie ils apprennent beaucoup, pis différemment de ce que moi je leur aurais enseigné, mais je m’avoue dorénavant que c’est en étant exposés aux différences qu’ils développeront un esprit critique. Je me sens mieux dans ma peau, je fais de quoi d’enrichissant, que j’aime, qui me stimule, qui répond à mon besoin de social, bref je pense ben que je suis en général une meilleure mère. Pis que dans quelques années je vais leur casser les oreilles avec les histoires du temps où j’ai dû passer le balais à la grandeur de la maison trois fois par jour et leurs apprendre à se servir d’une fourchette.


La maman version 2.0

Photo: USA.Teenage Pregnancy, Eli Reed, 1994 (disponible par: artstor. org)

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